Il y a 11 ans naissait au Ciel le Père Denis au Monastère Sts Clair et Maurin de Lectoure

L’Archidiacre DENIS lors de l’Intronisation du Pape Jean-Paul Ier à Rome

ORAISON FUNÈBRE DE L’ARCHIMANDRITE DENIS

-21 JUIN 2008-

Mes Bien Chers Frères,

“Pour moi, la vie c’est le Christ et la mort m’est un gain”

Par ces paroles, l’apôtre Paul a fait son propre panégyrique mais aussi l’éloge de notre Archimandrite Denis, Abbé émérite du Monastère St  Gény, où ce moine vécut au IVème siècle, prêtre selon le coeur de Dieu.

En toute vérité, Jésus-Christ dont il fut le prêtre a été pendant le cours de son laborieux et fécond ministère, la respiration de sa bou­che, le battement de son cœur, le grand ressort de son âme, l’hymnogra­phe   qui servit la sainte Église orthodoxe et qui permit aux Francophones de  prier et de chanter sur de beaux textes et d’harmo­nieuses mélodies les louanges de Dieu.

Né le 23  juillet 1933, à Nice, d’un père catholique Maurice GUILLAUME  et d’une mère protestante Adrienne de MONDENARD de MONIE, il fut le cinquième et dernier enfant.

Toujours premier de sa classe, avec les prix d’Honneur et d’Excellence, il obtenait à 15 ans le baccalauréat. Après le concours d’entrée à Santé militaire, à Lyon, il se rendit en pèlerinage à Ars et se sentit appelé à la vie monastique, mais avant de suivre sa vocation il obtint, en quatre ans, la licence ès Lettres, tout en apprenant quelques langues: l’anglais, l’italien, le néerlandais, le suédois, le russe, le grec moderne et le slavon.

C’est en 1954 qu’il fit un premier séjour au Monastère bénédictin oriental de Chevetogne (Belgique), avant de commencer son service militaire au Liban, comme professeur de français, latin, grec et allemand à l’Université St Joseph de Beyrouth. Dès 1957 il entre au monastère et prend l’habit sous le nom de Frère DENIS. Après ses premiers Voeux en 1961, il est envoyé à Rome pour étudier la théologie et apprend l’hébreu, le grec biblique, l’arménien classique et l’arabe. En 1962 il fait sa Profession solennelle et définitive.

Ordonné Diacre le 15 avril 1963, selon le rite byzantin, en l’église St Athanase des Grecs à Rome par le métropolite de Lvov S.E. Mgr Joseph SLIPYJ puis nommé Archidiacre par le Patriarche Maximos V d’Antioche, il se mit à traduire les offices byzantins en français et à les adapter aux musiques liturgiques, puis il publia plus d’une centaine de livres toujours utilisés et des milliers de pages. Il concélébra avec le Pape Jean-Paul Ier, qui l’appelait son diacre orthodoxe, puis assista Jean-Paul II à l’autel.

À Rome puis à Parme, il continua son travail d’érudition avant de devenir l’archidiacre de l’Évêque grec orthodoxe Mgr Stéphanos de Nice qui l’ordonna prêtre en 1996, en Camargue, avant d’être nommé, par le Patriarche de Constantinople, Primat grec d’Estonie. De son côté le Moine-Prêtre Denis servit aux paroisses d’Avignon et Marseille, puis San Remo et Nîmes où après avoir célébré en diverses chapelles, nommé Archimandrite en 2004 par le métropolite grec Emmanuel, il put trouver une église et y implanter la Paroisse St Antoine-La Pêche miraculeuse qu’il avait fondée.

Dans cette paroisse cévenole, travaillant jour et nuit, il tomba malade, peu soutenu, au milieu d’intrigues de civils qui le minaient, hospitalisé à plusieurs reprises. Heureusement sa foi, sa vie de prière et ses activités intellectuelles lui permirent de tenir. Pendant plus de 20 ans, à Rome, à Parme, à Nîmes il correspondit régulièrement avec notre Fraternité et composa, comme il le fit pour des centaines de saints occidentaux, l’Office complet de St Gény en 2001 et celui des Saints Clair et Maurin, et le dernier composé par lui, avec son âme poétique, le fut sur notre demande, en avril 2008 où il édita l’Office de Saint Andéol du Vivarais, diacre martyrisé en 208, ayant eu le crâne fracassé en forme de Croix, avec un sabre, et dont le sang se déversa dans le Rhône.

En 2007, sa santé s’aggrava avec des dialyses trois fois par semaine, une artérite galopante, une vue qui baissait mais, avec l’ordinateur, qui grossissait ses textes, il continua à oeuvrer pour la Gloire de Dieu comme toujours. Cependant il ne pouvait rester longtemps debout et il fut obligé d’arrêter de célébrer les Divines Liturgies de sa paroisse. Il fit des demandes pour le seconder mais sans résultat. Il nous écrivit fréquemment pour lui venir en aide et ses lettres étaient de plus en plus pathétiques, jusqu’à ce que, au retour de Lyon, nous nous arrêtions, en mai 2007 à Nîmes où je le rencontrai pour la première et dernière fois dans sa ville et où il me conduisit en son église. Nous attendions dans l’espoir qu’une solution serait trouvée dans sa région. En décembre ce sont des Fidèles de sa paroisse, qui nous suppliaient de venir, avec la bénédiction de leur Recteur. Nous ne pouvions laisser ces âmes abandonnées, sans office depuis des mois, prêtes à tout, même aux pires choix. C’était un cas de conscience et nous proposions, après avoir prié et demandé conseil, de venir une fois par mois, étant déjà très pris par nos sept Paroisses, pour assurer la Divine Liturgie et les Sacrements car le bien des âmes était une priorité ecclésiale, en attendant qu’une autre solution soit trouvée. Le Père Laurent, de décembre à avril dévorait les kilomètres, en sept heures de route, aller et retour, en mission d’assistanat, assurant l’Eucharistie tandis que le Père Denis prêchait et chantait, réunissant en avril le Conseil paroissial qui se renouvela pour le bien de la paroisse. Courant avril il apprit qu’un successeur était nommé dans l’église qu’il avait fondée, aménagée avec ses deniers, et sans concertation ni dialogue.

Ces nouveaux soucis ne firent qu’aggraver ses ennuis de santé mais aussi sa détermination. Il régla tous ses problèmes sur place, en toute lucidité et il trancha, comme un couperet de guillotine ce passé gardois qui l’avait, en partie, détruit. Et comme il disait, libéré de cette ambiance paroissiale qui n’était pas sa vocation première, qu’il secoua la poussière de ses souliers, selon les conseils évangéliques. Il demanda alors, tous les jours par téléphone, de rejoindre au plus vite le Monastère de Lectoure afin de vivre en Communauté pour se préparer à rencontrer le Seigneur, avec cette fougue du lion qui va toujours de l’avant et qui ne reste pas sur un échec. Il s’organisa et comme il n’avait pas fait l’école diplomatique vaticane il dit ce qu’il pensait, car toute sa vie il eût en horreur la langue de bois.

Abandonné de tous, avec un quarteron de fidèles assidus et sur qui il pouvait compter, et qui sont ici aujourd’hui, il s’organisa, prit ses dispositions post mortem, et comme le cormoran, quitta la Paroisse de la Pêche miraculeuse, s’envola jusqu’en Gascogne, après avoir obtenu notre accord de l’accueillir. il arriva en ambulance, pour ne pas trop se fatiguer, avec son cercueil qui suivait, car il venait au Monastère pour se préparer à la mort et non pour créer des problèmes à la Communauté. C’est pendant la Grande Semaine Sainte Orthodoxe qu’il nous rejoignait, avec armes et bagages, pour chanter avec nous Christ est Ressuscité, et retrouver paix et sérénité. Quelle joie pour lui de vivre comme au commencement de son engagement monastique, de parler de longues heures avec les jeunes Pères, dans le cloître, de transmettre son savoir, raconter des histoires et toujours avec humour, malice et joie. il revivait, préparait trois nouveaux livres et son bulletin “Tibériade” avec l’icône de Notre-Dame Source de Vie sur la couverture.

Pâques à Lectoure

Mais cette retraite spirituelle ne devait durer que 50 jours puisque la Semaine de l’Esprit Saint, il rendait son âme à Dieu à 7h45 le mercredi 18 juin 2008.

En effet son état physique avait des hauts et des bas, même si intellectuellement sa lucidité fut complète jusqu’à son dernier souffle. Quatre infirmières, très dévouées et compétentes, le visitaient deux fois par jour, à tour de rôle, et le matin elles prolongeaient leur passage pour parler avec lui tant le dialogue était enrichissant, avoir un tel malade était si précieux et réconfortant pour une vocation difficile à vivre. La gangrène poursuivait son œuvre horrible et destructrice mais comme à Nîmes, pendant des mois, il refusa la moindre amputation malgré les conseils ou les pressions qu’il subissait, parfois les menaces apocalyptiques dont il recevait les anathèmes ! Il restait serein, ferme et disant: “Non, et non, et ce sera mon dernier mot”. Un docteur maladroit lui rétorqua: “Vous avec votre foi et votre philosophie”, ce qui toucha son cœur de prêtre. À partir de ce jour il s’enferma sur ce problème, ne voulant plus répondre sur ce sujet et faisait semblant de dormir, lors des visites du praticien, pour avoir la paix. Il continuait à prier, à dire le Chapelet du Nom de Jésus, en dialyse ou au monastère, à implorer, sans cesse, la Mère de Dieu, Source vivifiante. Il réfléchissait toujours, faisait des projets et quelques jours avant de nous quitter il voulait se rappeler l’étymologie du mot “Parvis”, devant de la basilique, et nous demanda de lui trouver son dictionnaire. La réponse trouvée confirmait son souvenir. Il s’agissait du “Jardin du Paradis”. Depuis ce jour quand il partait pour Auch il empruntait le parvis qui va vers le monde mais au retour il flânait dans “le Jardin du Paradis” pour humer le parfum des fleurs !

Sacrement des malades

Le dimanche Ier juin le presbyterium de la Fraternité se réunissait en la Basilique St Gény, avec la participation de nombreux fidèles car le Père Denis recevait, avec piété, le sacrement des malades. Il nous avait demandé, avec malice, de faire une catéchèse de rappel que ce sacrement n’est pas celui des mourants mais des volontaires à la Vie et au renouveau.

Après l’Office il prit possession de son trône, dans la basilique, comme Abbé émérite du Monastère St Gény et où chaque clerc et fidèle vint solliciter sa bénédiction.

Pour terminer revenons à cette dernière semaine. Lors des Vêpres de la Pentecôte il demanda aux Pères de prier Dieu pour qu’Il vienne le chercher pendant son sommeil. Le dimanche il se trouvait ailleurs, allongé sur son lit médicalisé ayant accepté la veille de quitter sa couche monastique, il priait, et reçut avec dévotion, la sainte Communion. Il se préparait au grand départ, lui qui avait mis sur sa porte une affiche: “Non à l’acharnement thérapeutique, non à l’euthanasie, oui aux soins palliatifs !”, suite à un nouveau conseil médical de lui amputer les deux jambes et où il avait répondu tout simplement et avec douceur: “Mais tout va très bien, Docteur, j’ai fait seul, hier, le tour du cloître avec mes deux pieds, alors vraiment ce n’est pas utile”, ce qui était exact. Les nuits devinrent difficiles et il appelait fréquemment le Père de garde près de lui, car l’angoisse le prenait, les démons rôdaient, les cauchemars le hantaient et il croyait tomber du lit. Le lundi se passa très bien, il nous parla en Provençal et de Pétrarque, puis en gavôt nissard, puis en italien en citant Dante, avec bonhommie, finesse. Il était surprenant dans ses répliques. Pour ne pas le fatiguer les pères le nourrirent au lit alors que jusque là il se rendait seul au réfectoire. La nuit du mardi au mercredi fut calme, mais à une heure du matin il appela le Père de garde, ce 18 juin, et lui déclara: “Je vais mourir, je vous remercie tous pour tout ce que vous avez fait pour moi, je vous demande pardon et donnez moi votre bénédiction. Si c’est la volonté du Christ consolateur qu’Il vienne me chercher.” Après avoir sollicité sa bénédiction le Père resta près de lui. Il ouvrit les yeux de temps en temps pour voir s’il n’était pas seul et il s’assoupit. Vers 5h30 il se sentit plus mal, le médecin de garde ne put que constater la fin très proche. La Communauté se réunit pour commencer la Prière des Agonisants. Il regardait les moines puis ses yeux montaient insensiblement vers le ciel et quelques minutes à la fin de l’office il rendait son âme à Dieu, sans bruit ni mouvement, dans un très grand calme et avec abandon à la Divine Providence. Son Chemin de Croix s’achevait au-milieu de ses Frères, comme il l’avait demandé, en dormant.

Aucune vie, mes biens chers frères, si sage, si sainte soit-elle, vous le voyez, pas plus celle du prêtre que celle du fidèle, n’est à l’abri de l’épreuve et de la maladie; notre vénéré Archimandrite DENIS en est un exemple.

Mais, de grâce, que la sérénité de son caractère, pourtant fougueux, sa confiance en Dieu, son amour de Marie, sa résignation souriante sous les étreintes de la souffrance, vous soient à tous dans les peines de la vie et dans la maladie, une leçon, un encouragement, un modèle !

Autant notre cher Père DENIS fut un bon moine, un bon diacre pendant 33 ans, un bon prêtre, un bon hymnographe, autant il nous apparaît un prêtre admirable dans la souffrance, ne se plaignant jamais. N’en perdons jamais le souvenir, mes biens chers frères. Redites-le à vos enfants, à vos petits-enfants, et puisez-y pour vous-mêmes la fidélité et le courage qui font les bons chrétiens.

Merci, très honoré et cher Père Denis pour ces leçons de courage nous qui nous nous effondrons à la moindre peccadille, nous qui gémissons à la moindre contrariété, vous avez tenu, droit, jusqu’à la fin, face aux épreuves des hommes, des soucis et de la maladie.

En fin d’après-midi nous chanterons les vêpres de la Fête de Tous les Saints, ces saints dont vous avez traduit ou composé les multiples offices en plus de 20 tomes, pour que ces Bienheureux viennent vous accueillir à la suite de la Très Sainte Mère de Dieu, et qu’en la Jérusalem céleste vous puissiez nous aider et intercéder en notre faveur.

Oui, Père DENIS nous vous disons À DIEU et allons vous conduire au caveau du monastère, sis à l’antique cimetière du Saint-Esprit de Lectoure, où vous attendrez la résurrection et où nous pourrons venir prier près de vous. MÉMOIRE ÉTERNELLE !

+ Père Abbé ANTOINE

Bibliographie

Il était né le 23 juillet 1933 à Nice.

Son grand-père paternel, Jules Guillaume, était un champenois, originaire de l’Argonne (Sainte-Menehould), qui avait épousé une franc-comtoise, Mathilde Greusard, de Morez du Jura. Officier de l’armée française, Jules Guillaume avait été envoyé en Afrique du Nord pour dresser la carte d’état-major de l’Atlas. Ayant contracté une grave insolation, il fut rapatrié et envoyé à Nice, où il mourut. Sa veuve bénéficia d’un bureau de tabac, où elle vendait des timbres et des cigarettes pour élever sa petite famille.

Un premier fils était mort après la naissance et fut enterré à Saint-Jeannet (Alpes Maritimes). Une fille avait survécu: c’était Marguerite. Ensuite, il lui était né un fils posthume: Maurice. Celui-ci fit ses études au Lycée Masséna de Nice, où il excella dans les lettres, les mathématiques, la physique, l’anglais et l’allemand. Après des vacances en Suisse alémanique, sur invitation de sa tante maternelle Mary de Sandouville, qui habitait Vevey, sur le lac Léman, il parlait couramment le haut-allemand moderne et un peu de «schwyzer-teusch». Marguerite fit des études à l’école des Beaux-Arts de Nice, tandis que son frère Maurice étudiait à l’Institut Électrotechnique de Nancy, dont il sortit ingénieur. Quand il rentra à Nice, vers 1920, après avoir combattu à Verdun, sa sœur lui présenta une jeune fille, Adrienne de Mondenard de Monié, qui étudiait les beaux arts et qui était devenue sa meilleure amie. Ils s’éprirent l’un de l’autre, malgré la différence de rang social et de confession religieuse. Maurice était catholique-romain, Adrienne était protestante, calviniste et «huguenote», comme on disait à l’époque; mais cela ne posa pas de problème, car ils étaient ouverts et larges d’esprit.

Elle était née à Nègrepelisse, dans le bas Quercy (Tarn et Garonne). Sa famille avait compté, au XIIIe siècle un évêque de Cahors, un abbé de Moissac et le premier baron de Mondenard, fondateur d’une branche cadette des Montaigu de Quercy. Au même siècle, un de ses ancêtre avait combattu aux côtés du comte Raymond VI de Toulouse pour défendre les Albigeois contre Simon de Montfort. C’est la raison pour laquelle Maurice Guillaume donna à son dernier fils le prénom de Raymond. Au
XVIe siècle, un autre de ses ancêtres, Arnaud de Mondenard,
avait épousé Miramonde d’Albret, une tante d’Henri IV. Vers la même époque, les barons de Mondenard, qui étaient catholiques sont passés au protestantisme pour se conformer à la religion majoritaire de leur peuple. Au XVIIe siècle un jeune de Mondenard voulut entrer à l’école des Cadets du Roy et, pour cela il dut se faire dresser un arbre généalogique de la famille, présentant seize quartiers de noblesse. Le généalogiste d’Hozier de Sérigny découvrit que la branche des Montaigu de Quercy dérivait d’une ancienne famille souveraine de la Bourgogne. Au XVIIe siècle, un chanoine de Monié, resté sans héritier, avait cédé son titre de noblesse aux descendants mâles des Mondenard. Pendant la Révolution les barons de Mondenard ont échappé à la terreur du fait qu’ils étaient protestants et qu’ils s’étaient mis au service de la République dans la finance et l’administration. C’est par grâce de la République égalitaire que les descendants des Mondenard ont pu ajouter à leur titre celui de Mo­nié ! Vers le milieu du XIXe siècle, alors que les aristocra­tes prétendaient retrouver leurs privilèges d’avant la Ré­volution, un baron de Mondenard,  bien qu’héritier d’une des quatre plus grandes baronnies du Querçy, avait conservé une grande modestie et ne dédaignait pas de conduire lui-même la charrue pour les travaux  de ses terres. Au XXe siècle, le père d’Adrienne était inspecteur de l’Enregistrement et il termina sa carrière à Nice, ce qui permit à sa fille de rencontrer Maurice Guillaume.

Le prêtre de paroisse

Au début, son mariage avec un catholique-romain et le fait que ses enfants ne seraient pas des protestants fu­rent fort critiqués par une partie de sa famille, surtout par sa sœur aînée, Jeanne, qui était une fervente calvi­niste. Elle épousa un «théosophe», dont elle embrassa la philosophie pseudo-religieuse, mais dont elle n’eut pas d’enfant et dont elle fut abandonnée. La naissance d’un petit frère, Jean, de vingt ans plus jeune, lui donna toutefois la compensation de pouponner ce bébé dont elle était la marraine et de lui inculquer les principes du calvinis­me, si bien que ce Jean de Mondenard fit ses études de théologie à Montpellier et qu’il devint pasteur de l’Église Réformée, d’abord à Calvisson, dans le Gard, puis à Agadir, au Maroc, et enfin à Toulouse.
Une jumelle d’Adrienne, Marthe, avait épousé un Bourguignon de Genève et mourut après avoir donné le jour à trois enfants.
Finalement, le fait qu’Adrienne avait fait un mariage stable et heureux ou que ses enfants étaient en bonne santé et bien élevés débloqua l’ostracisme de sa famille protestante.”
Le frère aîné d’Adrienne, Robert de Mondenard resta longtemps célibataire; après avoir combattu pour la France en 1939-40, il épousa Simone Romieux, proprié­taire d’une ferme et d’un vignoble à Saint-Christol-lez­-Alès. Alors qu’il allait vendre à Nîmes un tonneau de son vin, il eut un accident de voiture à La Réglisserie, près de Vézenobre, et en mourut.

Maurice et Adrienne eurent cinq enfants, trois filles et deux garçons.

Celui qui deviendra plus tard le Père Denis était le cinquième et dernier.

Il profita, dans son enfance, de l’instruction de ses aînés, que leur mère contrôlait à la maison. À l’âge de six ans il entra directement en onzième, sans devoir passer par la douzième. Il était aussi en avance sur ses petits camarades dans la connaissance des choses de la vie. Eux, ils étaient nés soit dans un choux soit dans une rose; il était le seul à savoir qu’il était né du sein de sa mère, qu’il était «le fruit de ses entrailles». Cela fit scandale dans l’école Sasserno. Le père du gamin, dégoûté de l’étroitesse d’esprit de cet établissement religieux, lui fit continuer ses études au Collège Stanislas de Nice. Là, on lui fit sauter la neuvième et passer directement en huitième. Dès la fin de la septième il fut initié au latin, qu’il put approfondir de la sixième à la première. En sixième, il commença l’étude de l’allemand, en cinquième, celle du grec.

Au cours de ces six années d’études, il suivit avec beaucoup d’intérêt les répétitions de la chorale du collège, ce qui lui permit de mémoriser une centaine de chansons populaires de France, de Provence, de Suisse et d’Italie, non seulement les paroles, mais aussi la mélodie et les trois autres voix d’accompagnement. De plus, les classes d’allemand se terminaient toujours, à l’approche des va­cances, par des exercices de chants populaires en cette langue. En outre, chaque fois que le collège donnait une représentation théâtrale pour financer ses œuvres chari­tables, il était toujours choisi par le metteur en scène pour interpréter un rôle comique important, que ce soit dans des pièces de Goldoni ou de Gogol.

Le prêtre et les sacrements

En troisième, il suivit un cours facultatif de proven­çal, qu’il termina avec le premier prix.

D’ailleurs, il était toujours le premier de sa classe, prix d’honneur et d’excellence. Si bien qu’à l’âge de quinze ans, en 1948, il passa la première partie du bacca­lauréat. L’année suivante, 1949, il passait la deuxième partie. Après quoi, son père l’envoya à Lyon pour étudier Physique, Chimie et Biologie à la Faculté des Scien­ces. Il le destinait à la médecine. Au terme de l’année uni­versitaire, entre les examens de sciences et le concours d’entrée à Santé militaire, il fit une promenade à pied jusqu’à Ars en passant par la trappe des Dombes. C’est là qu’il s’est senti appelé à la vie monastique. A la fin de l’été, il demanda à son père d’abandonner les études mé­dicales pour des études de Lettres ou de Langues Orien­tales. Finalement, son père l’inscrivit à la Faculté des Lettres et en «khâgne», la préparation à Normale Sup. Ces études ont duré quatre ans, au bout desquels il ob­tint la licence ès Lettres. En plus des lettres, il cultiva la connaissance des langues: l’anglais, l’italien, l’espagnol, le néerlandais, le suédois, le russe, le grec moderne, le sla­von. C’était en 1954. Pendant l’été il visita la Belgique et le Luxembourg et fit un premier séjour à Chevetogne. L’année suivante il commença son service militaire com­me professeur de français-latin-grec et allemand au Li­ban, dans le collège secondaire de l’Université Saint-Jo­seph de Beyrouth. Il avait des élèves de tous les rites et de toutes les religions des pays du Proche Orient: Égypte, Jordanie, Irak, Syrie, Liban, Turquie. Certains de ses anciens élèves lui écrivaient encore ou lui téléphonaient, naguère, depuis les USA, le Canada ou l’Allemagne.

En 1957, au terme de ses deux ans d’enseignement, il est en­tré à Chevetogne après avoir visité Égypte, Sinaï, Jérusa­lem, Syrie, Turquie et surtout la Grèce, l’Italie, la Yougo­slavie et toute la Scandinavie. En 1958, il est entré au no­viciat avec le nom de Denys ou Denis: le prieur de Cheve­togne, dom Thomas Becquet pensait que, comme fran­çais et ami de la Grèce, il devait être sous le patronage de Denys l’Aréopagite et de Denis, le premier évêque de Pa­ris (au moyen-âge, on a cru que c’était le même personnage, de même que le Pseudo-Denys, l’auteur des Hiérarchies célestes). En 1959, il a fait sa première pro­fession monastique et en 1961 il fut envoyé à Rome pour étudier la théologie avec les Bénédictins, sur l’Aventin, une théologie non thomiste, mais biblique et patristique. Il profita de ces quatre ans d’études pour apprendre l’hébreu, le grec biblique, l’arménien classique, et perfectionner ses études d’arabe classique.

En 1962, il fit sa profession monastique solennelle et définitive. En 1963 il fut ordonné sous-diacre au Collège russe et diacre au Collège grec, et il obtint sa licence en théologie. Cette même année il est rentré au monastère de Chevetogne, où il officia longtemps comme diacre, ce qui lui valut d’être invité dans différents pays d’Europe pour servir des évêques melkites du Proche Orient et le patriarche d’Antioche Maximos V, qui fit de lui son archidiacre, avec eux il avait officié en Belgique, Allemagne, Hollande, au Luxembourg et au Danemark. Dans le même temps, il a travaillé comme directeur de l’Iconographie du monastère de Chevetogne. Bientôt il se mit à traduire les offices byzantins du grec au français et à les adapter aux musiques originelles, grecques et slaves, puis à faire imprimer des livres, dont il assurait l’emballage et l’expédition. En 1972, il fut envoyé au Collège grec de Rome comme vice-recteur et économe. En 1975, il est passé du Collège grec au Russicum et là il a développé considérablement ses éditions tout en continuant à servir comme archidiacre.

Funérailles en la basilique saint Gény

Sa plus belle concélébration fut celle qu’il a vécue avec le pape du sourire Jean-Paul Ier pour le début de son ministère pastoral. En 1983, il est passé de Rome à Parme, chez les Bénédictins, pour continuer son travail d’édition. En 1988, il est rentré à Nice et il s’est mis au service
de l’évêque grec de Nice, Mgr Stéphanos de Nazianze. Il fréquentait aussi, de manière assidue, la cathédrale russe de Nice, ainsi que les églises russes de San-Remo et de Florence, où il a accompagné pendant quinze ans le bon Père Ivan Yankin, qui lui a donné un bel exemple de miséricorde sacerdotale et d’universalisme orthodoxe. Il n’a pas voulu entrer dans l’Église russe orthodoxe, divisée qu’elle était en trois juridictions différentes et ennemies. Du coup il a préféré l’Église de Finlande, qui présentait une heureuse synthèse des traditions grecque et russe. Il a servi comme diacre dans la cathédrale d’Helsinki et il a dû apprendre un peu de finnois pour savoir où il en était de la célébration. Rentré à Nice, il accompagna Mgr Stéphane dans tous ses déplacements pastoraux. Cet évêque auxiliaire était responsable de tout le Midi de la France.Quand il présentait au peuple ses concélébrants, il disait: “le père Untel de l’église de N. , le père Machin de celle de N., et le Père archidiacre Denis, qui est de toutes les églises !” De fait, son service diaconal s’étendait de Florence à Perpignan.

Alors qu’il accompagnait Mgr Stéphane à Nîmes, les fidèles de cette ville lui ont réclamé un prêtre et leur choix s’est porté sur le Père Denis. En 1996, il a été ordonné prêtre en l’église grecque de Salins de Giraud, au bord de la Camargue. Depuis, il a toujours servi à Nîmes, en Avignon, à Marseille et partout où l’envoyait l’évêque. À Nîmes, il a officié tout d’abord dans le petit temple protestant de la route d’Alès, comme l’avaient fait ses prédécesseurs. Au bout d’un an, il transféra le lieu de culte des Grecs dans la chapelle de l’Institut d’Alzon, rue Séguier, une chapelle prévue pour deux cents élèves, trop grande pour la petite communauté, qui comptait une vingtaine de membres. Deux ans plus tard, un ami du Père Denis lui signala que la communauté orthodoxe
grecque pourrait s’installer dans la salle paroissiale de l’église Notre-Dame des Enfants, rue de Bouillargues. Le local était juste ce qu’il fallait. Un cagibi permettait de remiser le matériel liturgique, et il y avait un jardin, où le Père Denis a planté, pour son soixante-cinquième anniversaire, un olivier. Chaque fois, cependant, il fallait sortir les affaires du cagibi et les y remettre après la Liturgie.

C’est dans ce cadre qu’en 2003 le Père Denis a été créé archimandrite par Mgr Emmanuel, le métropolite grec de France. La communauté venait de renouveler son bureau et de mettre la paroisse sous le vocable de la Pêche miraculeuse en créant une nouvelle association cultuelle intitulée
«Tibériade». En 2004, le Père Denis demanda au nouvel évêque de Nîmes, Mgr Watebled, s’il ne pouvait pas leur prêter une église. Justement la chapelle Sainte-Thérèse, au chemin de la Planette dans les
Hauts de Nîmes venait d’être libérée. Là, on a pu installer les icônes, l’autel et tout le reste de façon stable et définitive. Le Père Denis a continué ses éditions liturgiques sous le vocable de Samizdat, puis de Tibériade. Au début de son séjour nîmois, il avait participé aux réunions de la «Pluralie», un cercle inter-religieux, et aux rares réunions des prêtres et pasteurs de la ville, se liant ainsi d’amitié avec les vicaires épiscopaux, Monseigneur Jacques Couteau et Monseigneur Bernard Fougères, et avec les pasteurs Francis Willm et Albert Berrus . Quand fut fondé le CNEC (Comité Nîmois des Églises Chrétiennes), il cessa de fréquenter la Pluralie et il participa à toutes les célébrations œcuméniques de la cité.

Depuis 2006, la santé du Père Denis s’est fort dégradée, à cause du diabète, des problèmes cardio-vasculaires et de l’insuffisance rénale. Devant être fréquemment hospitalisé ou dialysé, il n’a pas pu continuer à assurer la célébration liturgique de façon régulière. En 2007, il s’est mis en pourparlers avec plusieurs groupes d’orthodoxes français qui se
sont rattachés à la métropole serbe de France. Après plusieurs demandes écrites le Père Abbé Antoine lui rendait visite en mai 2007 à Nîmes et envoyait un prêtre pour le seconder fin décembre 2007.

Au cimetière du Saint-Esprit, il repose en paix

Deux livres édités à Lectoure :

Bibliographie des œuvres du Père Denis, 96 pages, illustrations

Avec office de Saint Gény de Lectoure écrit par le Père Denis en 2001 & le dernier office composé de Saint Andéol apôtre du Vivarais

Bibliographie du Père Denis, 96 pages, illustrations