du Saint Synode des évêques de l’Église orthodoxe serbe
LA PAIX DE DIEU – CHRIST EST NÉ !
Le Christ naît – rendez gloire à Lui !
Le Christ descend des cieux – marchez au-devant de Lui !
Le Christ est sur la terre – hommes, élevez-vous !
Toute la terre – chantez au Seigneur !
C’est par ces mots que saint Grégoire le Théologien commence son homélie de Noël et voilà seize siècles que nous les chantons à notre office divin. Toute la terre, chantez au Seigneur, car s’est accomplie la joie qui avait été annoncée pendant des siècles par les prophètes de l’Ancien Testament (Is 2, 2-3 ; 9, 6 ; Jr 23, 5-6 ; Ez 34, 23 ; Mi 5, 2) et les justes (Gn 12, 3 ; 18, 15). La tâche la plus difficile de la vie d’un homme est de comprendre comment cette joie prophétisée puis accomplie, ne ressemble aucunement à une joie terrestre, mais représente l’essence même de la vie et de notre foi. Toute joie terrestre et toute célébration sont limitées par le temps et l’espace, tandis que la joie de Noël est un événement qui dure, donnant un sens à tous nos rapports et à toute notre vie, ici et maintenant. Cette joie s’est manifestée, elle a commencé, elle nous a été donnée, dans les paroles du Christ : Votre joie, nul ne vous l’enlèvera (Jn 16, 22).
La naissance du Christ nous révèle le Mystère de l‘amour infini de Dieu. Seul Dieu, Qui est Amour (1 Jn 4, 16) a été capable de S’humilier et de naître comme un Homme véritable, comme Dieu-Homme, sans cesser d’être Dieu véritable et Sauveur du péché comme source du mal, de la corruption et de la mort. Dans le Symbole de la Foi, nous confessons que l’Incarnation s’est accomplie pour nous, hommes, et pour notre salut, afin que « le Fils de Dieu devienne le Fils de l’Homme pour qu’à la fin, l’homme puisse devenir fils de Dieu », comme l’a dit saint Irénée de Lyon. Noël est un moment particulier, où l’Église glorifie puissamment et fortement cette Bonne Nouvelle en disant : « Aujourd’hui, Dieu est venu sur terre, et l’homme s’est élevé au ciel. Gloire et louange au Nouveau-né sur terre, qui a rendu les êtres terrestres, divins. » Par Sa Naissance, le Christ nous apporte la richesse de la divinité, Il nous apporte la joie indicible à laquelle l’Église convie tous les hommes et toutes les créatures : Toute la terre – chantez au Seigneur !
Être fils de Dieu constitue le plus grand idéal chrétien, un idéal qu’on doit sans cesse réaliser et prouver (1 Jn 3, 1-3). Tout l’Évangile nous le montre, à commencer par la généalogie de notre Seigneur Jésus-Christ qui témoigne que le Fils de Dieu, tout en restant ce qu’Il a été, devient aussi ce qu’Il n’a pas été (Mt 1, 1-23). Tout en restant le Dieu véritable, Il devient un Homme véritable. Ainsi, Il a rendu tous les hommes qui croient en Lui et ont reçu le baptême, des fils de Dieu. Car s’il est possible que le Fils de Dieu devienne Fils de l’Homme, il est tout aussi possible que les fils de l’homme deviennent des fils de Dieu par don et par adoption. Notre filiation à Dieu est une conséquence directe de l’Incarnation du Fils de Dieu et correspond à la plus grande manifestation d’amour de Dieu le Père pour l’humanité.
Les anges ont accueilli la naissance en chantant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté (Lc 2, 14). Cette hymne angélique devient une devise vivante de la foi et nous pousse à l’action et à la création, à sortir de la passivité, car la glorification de Dieu et la propagation de la paix sur la terre sont des activités humaines profondément et essentiellement créatrices. La paix est l’un des termes les plus fréquemment rencontrés dans l’Écriture Sainte (Mt 5, 9 ; Mc 5, 34 ; Jn 16,33 ; Rm 15, 13). Tout commence et tout finit avec la paix. Le Seigneur saluait tout le monde en paix, et Il répondait aux salutations en paix. C’est avec une bénédiction de paix qu’Il S’est séparé de Ses disciples, en disant : Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie ! (Jn 14, 27). Le saint apôtre Paul commence et termine chaque épître par une salutation de paix à chacune des églises locales. C’est en invoquant la paix que nous commençons aussi la célébration de la Sainte Liturgie. Chers frères et sœurs, la paix est liée à l’état du cœur et de l’âme. Cette paix de l’Évangile, du Christ, comme beaucoup en ont témoigné, nous l’avons reconnue dans la vie et les œuvres de notre premier hiérarque récemment endormi et de bienheureuse mémoire, le patriarche Irénée, comme dans la vie de deux hiérarques éminents de notre Église, le métropolite Amphiloque et l’évêque Miloutin, qui se sont présentés cette année au Royaume des Cieux. Dans la conscience nationale comme dans la mémoire de l’Église, ils demeureront comme des hommes de paix et de bonne volonté, plus précisément comme ceux à travers lesquels, à notre époque, s’est manifestée le mieux la paix du Christ, la paix du premier et du seul Prince de la paix (Is 9, 5).
Le message de la fête d’aujourd’hui, celle de la Nativité du Fils de Dieu, nous oblige, nous aussi, à bâtir la paix tout autour de nous. Nous savons tous ce qui se passe quand le désordre s’installe dans le cœur, quand l’absence de paix paralyse l’esprit, quand l’homme commence à fuir les autres et à s’enfermer dans sa forteresse fragile, perdu et impuissant à faire la moindre bonne action et à rencontrer autrui. Aujourd’hui, ce n’est pas par hasard que nous nous saluons en disant : La paix de Dieu, Christ est né ! Nous ne recherchons pas une paix humaine, incertaine, calculée et souvent ambigüe, mais la paix du Christ qui nous réconcilie avec Dieu le Père et les uns avec les autres, une paix en conscience, ce sentiment véritable de plénitude comme accomplissement de la volonté de Dieu. À l’inverse de cela, l’inquiétude qui agite les hommes d’aujourd’hui est la conséquence du vide spirituel et d’une vie privée de la joie de la proximité de Dieu.
La célébration de la Nativité du Fils de Dieu est une fête pleine de traditions qui expriment la richesse de l’existence historique de notre peuple. Nous le soulignons tout particulièrement en cette année qui commémore le siècle qui s’est écoulé depuis que l’Assemblée des évêques de l’Église serbe unifiée a proclamé solennellement, au palais patriarcal de Sremski Karlovci, le rétablissement et la restauration du Patriarcat serbe. Il est cependant nécessaire d’insister sur le fait que le sens de Noël ne se résume pas à une mémoire historique, mais que l’Événement que nous célébrons revêt une signification vitale pour chaque génération et chaque homme. Nos belles traditions sont partie intégrante de chaque fête, sa représentation imagée, mais il est indispensable d’atteindre le cœur autour duquel les traditions se sont forgées, afin qu’elles ne deviennent pas l’accomplissement mécanique de certaines tâches vides de sens. Il peut arriver qu’en se focalisant sur les traditions, la signification qui donne un sens à la vie de cette Fête, soit négligée ou oubliée. La naissance du Fils de Dieu doit éveiller en tout homme, le désir de se repentir et à travers le repentir, conduire résolument à une vie chrétienne pratique (Mc 1, 15). Cela signifie concrètement que nous devons nous orienter vers une vie vertueuse et à progresser dans les vertus, afin que notre foi ne reste pas une lettre morte sur papier, c’est-à-dire une de ces nombreuses idéologies dénuées de force vivante et de puissance. La foi orthodoxe est une vie vécue selon l’Évangile, ce à quoi les gens nous reconnaîtront (Mt 5, 16). En vivant une vie vertueuse et sacramentelle, l’homme devient à l’image du Christ, de sorte que ses mots et ses actions trouvent leur accomplissement dans la Personne de notre Seigneur Jésus-Christ. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire que l’engagement d’une vie vertueuse commence précisément le jour où le Fils de Dieu est devenu Homme et que notre salut a commencé (Jn 1, 14). Noël est le commencement de notre édification dans les vertus. Elles sont nombreuses, et elles dépendent de toute personne particulière et du moment historique. Mais elles reposent toutes sur une triade de vertus importantes, éternelles et essentielles, qui sont : la foi, l’espérance et l’amour (1 Co 13, 13) ; elles doivent être le fondement sur lequel se construit notre élévation dans la stature de la plénitude du Christ (Ep 4, 13).
C’est sur ce fondement de l’amour du Christ qui nous illumine aujourd’hui, que nous sommes conviés à avoir un tel amour envers tous, et non un amour comme une sorte de bonne humeur à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose. Une telle sorte d’amour a peu de signification. Nous parlons ici de l’amour comme façon de vivre. Nous parlons, en fait, de l’amour qui est un mode d’existence de Dieu (1 Jn 4, 16), et nous, créés à l’image de Dieu (Gn 1, 27), nous sommes conviés à avoir un tel amour les uns pour les autres. Avoir un tel amour signifie que, si nous voulons la vie, si nous voulons exister, alors nous ne pouvons l’avoir que dans une communauté de liberté et d’amour avec les autres hommes. Voir Dieu dans l’autre, tel est l’appel du Christ. Ses paroles signifient que celui qui dit qu’il aime Dieu tout en haissant l’autre, ment. Car celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas (1 Jn 4, 20).
Illuminés par un tel amour, nous sommes, lors de cette fête de Noël encore, aux côtés de nos frères et soeurs de Kosovo et Métochie – le berceau de notre peuple. Leurs maisons détruites sont aussi nos maisons, leurs foyers incendiés sont aussi nos foyers, les églises et monastères séculaires qui ont été ravagés, sont aussi nos églises et monastères. C’est pourquoi nous prions le Seigneur pour qu’Il leur donne des forces ainsi qu’à nous, en leur adressant les paroles d’encouragement que le Christ a dites à Ses disciples : Sois sans crainte, petit troupeau ! (Lc 12, 32).
Nous adressons aussi la salutation de Bethléem à toute la plénitude de notre peuple qui-aime-Dieu dans le monde entier, en lui recommandant de préserver sa foi orthodoxe, sa langue et son écriture, quels que soient le continent et le pays où il se trouve. Soyez des gens fiers et dignes ! Nous sommes un ancien peuple chrétien, qui grâce au baptême, l’héritage des saints Cyrille et Méthode et l’éducation de saint Sava, est devenu une partie de la culture de l’ensemble du monde chrétien.
Imprégnés de cet amour, nous nous souvenons en ce jour de Noël, de tous les malheureux et de tous ceux qui souffrent, de tous les hommes qui ont subi des injustices, en particulier de ceux qui en ces jours difficiles, au milieu des conséquences de cette terrible maladie, ont perdu leurs êtres chers et bien-aimés. Nous leur adressons les paroles de consolation que nous trouvons dans notre Seigneur Jésus-Christ, dont nous célébrons la Nativité, dans le Seigneur qui est devenu homme pour nous et notre salut, qui a Lui-même connu le chemin de la mort, en demandant au Père de Le glorifier, ce que le Père a accompli en Le ressuscitant des morts par le Saint-Esprit (Jn 12, 28). C’est pourquoi le Seigneur nous recommande à tous de ne pas avoir peur, car qui croit en moi, même s’il meurt, vivra (Jn 11, 25).
L’amour du Divin Enfant nouveau-né, nous rappelle et nous invite, en ces jours de grandes épreuves, à exprimer notre gratitude aux médecins et à tout le personnel médical qui s’efforcent de façon altruiste à aider tous les hommes, souvent au prix de leur propre vie. De cette façon, à travers leur sacrifice désintéressé, ils montrent qu’ils sont vraiment des enfants de Dieu, prêts à entendre et à accomplir les paroles du Christ qu’il n’y a pas de plus grand amour que celui-ci : déposer sa vie pour ses amis (Jn 15, 13).
Cet amour et ce sacrifice nous obligent à nous adresser à vous tous, chers enfants spirituels, et à vous prier en ces journées difficiles pour l’ensemble du genre humain, de protéger votre santé et votre vie, et de protéger les autres comme le recommandent les services de santé de notre propre pays et ceux des pays où vivent nos compatriotesà travers le monde. En vous comportant ainsi, vous ne faites pas preuve d’un manque de foi ou d’une foi réduite ; en fait, vous ne faites que témoigner de votre respect pour le caractère saint de la vie, montrer votre amour pour vos proches ainsi que votre amour pour le Seigneur qui est la vie même.
En célébrant le Seigneur avec un tel amour, rejouissons-nous en Dieu et dans la fête de Noël, et glorifions le Christ le Divin Enfant comme seule nouveauté sous le soleil (2 Co 5, 17) ! Si la tristesse nous a peut-être serré le coeur tout au long de l’année, puisse la joie y naître aujourd’hui, car nous célébrons la Naissance de la plus grande des joies, la Naissance du Fils de Dieu, Jésus-Christ ! Si durant cette année, la haine, l’orgueil et la méchanceté ont empoisonné nos cœurs, rejetons ces poisons de nos cœurs aujourd’hui, quand nous célébrons la Naissance de l’Amour céleste, qui S’est incarné dans la nature humaine !
Chers enfants spirituels, puisse ce Noël apporter paix, amour, concorde, joie bénédiction à vos foyers, dans tous les jours de votre vie ! Puisse le Divin Enfant nouveau-né, le Christ, accorder le repentir et la capacité de pardonner ! S’il y a parmi vous des gens en train de se disputer, nous les appelons dans la joie de Noël à se demander pardon les uns aux autres, l’époux à l’épouse, l’épouse à l’époux, les enfants aux parents, les parents aux enfants, le voisin au voisin. Nous devons demander pardon les uns aux autres si nous voulons appartenir à Dieu et que Noël soit joyeux, heureux et béni, comme nous en Lui.
C’est avec ces vœux et ces prières au Divin Enfant Christ, que nous souhaitons que la Nouvelle Année 2021 apporte de véritables bienfaits à tous, en vous adressant la joyeuse salutation de Noël qui symbolise elle-même la glorification de Dieu dans les cieux, la paix sur la terre et la bonne volonté parmi les hommes !
LA PAIX DE DIEU, CHRIST EST NÉ !
Patriarcat serbe, Belgrade – Noël 2020
Le métropolite Chrysostome de Dabar-Bosnie, président du Saint Synode et locum tenens du trône du Patriarcat serbe, avec tous les évêques de l’Eglise orthodoxe serbe et Mgr Luka, évêque d’Europe occidentale.