Mes Bien Chers Frères, Les peuples entourent de respect et d’honneur la mémoire de leurs grands hommes ; ils célèbrent leurs services, leur génie et veillent avec un soin jaloux sur leur tombeau.
Bien différent est l’honneur que l’Église rend à ceux qu’elle appelle les Saints. Ceux-là sont vraiment dignes des triomphes qu’on leur décerne; l’humanité croyante est unanime à le proclamer et elle reconnaît en eux ses véritables bienfaiteurs. En eux, elle honore surtout ce qui fait l’homme grand et honorable: la vertu, et si elle entoure leurs restes de respect et de vénération, c’est à autre chose qu’à des ossements qu’elle prétend bien faire parvenir ses louanges et ses marques d’honneur. Mais, puisque la fête de ce jour nous y invite, entrons à ce sujet dans quelques amples explications.
Quels sont les caractères de la touchante cérémonie dont vous êtes ce jour les témoins ? Que devait dire à vos âmes l’exposition des saintes reliques de Saint Gény ?
Le culte que nous rendons aux reliques est d’abord un acte de foi. Ce n’est pas seulement un pieux souvenir que nous donnons à celui qui a vécu ici il y a plus de quinze siècles, mais nous faisons par là une triple affirmation.
Nous affirmons d’abord l’immortalité de l’âme humaine. Ces ossements nous rappellent un être qui a cessé de vivre ici-bas, c’est vrai, mais qui continue à vivre ailleurs, d’une vie plus pleine, plus réelle, plus intense et sans fin.
Nous affirmons en second lieu que le bonheur existe au-delà de la tombe, que les saints en jouissent, et que par eux nous espérons jouir de l’éternelle félicité. Par là nous condamnons tous les paradis terrestres inventés par les faiseurs de systèmes.
Nous affirmons enfin la résurrection des corps. Ces ossements que nous conservons dans des chasses précieuses ou des reliquaires, gardent enfermés des étincelles de vie, et un jour viendra où le Seigneur fera tressaillir ces restes et les tirera de leur humiliation. La mort perd donc à nos yeux le plus terrifiant de ses caractères apparents : l’éternité ; elle n’est qu’une dissolution d’un moment, une séparation passagère.
Le culte des reliques est ensuite un acte de respect et d’honneur. Sans doute, des ossements ne sont rien par eux-mêmes, sinon une vile matière, venue de la terre, destinée à la terre. Mais nous savons que ces membres ont servi au bien et aux bonnes œuvres, qu’ils ont été l’objet de la pénitence, les coopérateurs des travaux des saints, les instruments dociles de leurs âmes, et que l’enveloppe de chair que nous vénérons forma comme la demeure de l’auguste Trinité, et en particulier de l’Esprit de Dieu. Dieu est passé par là, et nous avons bien le droit et le devoir de baiser la trace de ses pas.
Mais c’est surtout l’âme qui habita le corps, que vont trouver nos hommages. Les reliques nous sont comme un canal par lequel nous transmettons aux saints notre vénération et notre culte, et par eux au Très-Haut lui-même dont les saints sont les chefs-d’œuvre. Que les protestants et les impies ne nous reprochent donc pas de faire acte d’idolâtrie ! Il n’est personne de moins idolâtre qu’un vrai chrétien, et dix-neuf siècles d’une tradition constante protestent contre cette calomnie.
« Nous n’adorons pas les reliques des saints, disait St Jérôme au IVème siècle, période où vécut ici Saint Gény, pas plus que nous n’adorons le soleil, la lune, les archanges, de peur de rendre le culte souverain à la créature plutôt qu’au Créateur, qui est béni dans tous les siècles. Nous honorons les reliques des saints, pour adorer Celui auquel ils ont rendu témoignage par leur vie vertueuse. » Nous honorons Saint GÉNY pour que l’honneur qui lui est rendu remonte jusqu’au Seigneur qui a dit : « Celui qui vous reçoit me reçoit »… Toutes les fois que nous entrons dans cette basilique, est-ce donc au temple d’une idole que nous portons nos hommages ? Les cierges et veilleuses que nous allumons devant ses reliques sont-ils donc des signes d’idolâtrie ?
Nous faisons enfin, par l’honneur rendu aux reliques, un acte de confiance et d’espérance. Cela signifie que nous croyons les saints non seulement vivants, mais puissants et bienveillants. Nous sommes persuadés que le cri de notre détresse peut parvenir jusqu’à leurs oreilles, que ce cri sera accueilli favorablement, qu’il sera transmis au Dieu tout-puissant et que ce Dieu dont ils sont l’honneur, dont ils forment la cour, dont ils constituent les amis, écoutera leurs requêtes et par eux nous sera plus indulgent, plus généreux, plus libéral.
Telle a toujours été la croyance de l’Église. Celle-ci a toujours cru que les âmes justes, reçues dans le ciel, y continuent par leur intercession le ministère de charité qu’elles ont exercé par leurs prières en ce monde. Tout cœur chrétien prie pour ses frères et désire qu’ils prient pour lui; les Apôtres nous ont appris à cet égard à nous recommander les uns aux autres. Lorsqu’une âme juste quitte la terre pour le ciel, croyez-vous que sa charité soit glacée à jamais parce que son cœur de chair et de sang est refroidi par la mort ? Vous figurez-vous que le ciel soit quelque chose qui étouffe dans un éternel égoïsme la piété de l’amour fraternel ? Ou bien vous semble-t-il qu’une âme est moins puissante parce qu’elle est transfigurée, et que ses prières cessent d’être agréables à Dieu du moment qu’elle est fixée à jamais dans son amitié ? Si la prière est la toute-puissance de la créature, suffit-il de monter au ciel pour perdre ce pouvoir ? Est-on destitué parce qu’on est couronné ? Redisons plutôt comme St Jérôme : « Si les apôtres et les martyrs encore vivants de la vie du corps et préoccupés par leur propre salut, peuvent cependant prier pour autrui, combien plus le peuvent-ils après les couronnes conquises, après les victoires et les triomphes ! »
Au spectacle de ces merveilles qui se sont produites dans tous les
temps, qui se continuent de nos jours encore, le chrétien a bien le droit de
répéter avec confiance la parole de St Grégoire de Nazianze au sujet de St
Cyprien : « Les cendres de Cyprien peuvent tout, comme le savent ceux
qui l’ont éprouvé. » Oui les reliques de nos saints sont toutes-puissantes,
nous le savons par l’expérience de nos pères en la foi et par notre propre
expérience.
Gardons donc
précieusement ces restes, veillons à leur conservation, ils ont été protégés
par les Anges du départ des derniers moines à la Révolution de 1789 jusqu’à
l’arrivée d’autres moines en 2000, avec la bénédiction de notre bien-aimé Évêque
Luka.
Et surtout honorons Saint GÉNY par nos prières. Et vous, ô Saints, vous surtout dont les restes constituent le trésor de cette basilique, saints de Gascogne, saint Gény patron de Lectoure, sa sainte Mère Clara et les trente Soldats romains martyrs envoyés par l’Empereur pour l’arrêter, et qui se convertirent à son contact et furent massacrés, restez les gardiens de cette église, de cette cité, de notre Doyenné St Jean Cassien qui a des églises, rattachées à ce saint Lieu avec ses diverses paroisses de l’Occitanie et de l’Aquitaine.
Soyez pour tous nos Fidèles des remparts, vous avez été nos pères et frères dans la foi, obtenez-nous de toujours nous souvenir que nous devons être de votre race, c’est-à-dire des saints, dans un monde de débauche et de perversion. Amen !
+ Père ANTOINE, recteur de la Basilique