Priez sans cesse. C’est ce que recommande le saint apôtre Paul dans sa première épître aux Thessaloniciens, au chapitre 5, verdet 17 : “Priez sans cesse.” C’est comme un écho du précepte évangélique : Veillez et priez, ainsi que de la parabole des dix vierges.
Priez sans cesse, c’est, à son plus haut niveau de perfection, la prière du coeur ou prière de Jésus, récitée sans repos ni répit, même de façon inconsciente durant les multiples occupation du jour ou durant le sommeil de la nuit.
Priez sans cesse, c’est aussi consacrer à l’oraison chacune des vingt-quatre heures du jour et de la nuit comme le faisaient jadis les moines Acémètes de Constantinople, qui se relayaient dans leur église pour une prière continue, de sorte que les gens de l’extérieur croyaient qu’ils ne dormaient pas.
Pour ceux qui ne peuvent sanctifier par une prière spéciale chaque heure du jour ou de la nuit il y a en,core la formule du Prosevkhitaire, qui consiste à prier “le soir, le matin et à midi”, comme nous en a donné l’exemple dans un psaume le roi David, à une époque où le “nykhthiméron” n’était pas encore divisé en vingt-quatre heures, mais où les trois temps forts de la journée étaient ceux du soleil à son lever, à son apogée et à son coucher, de même que l’obscurité avait pour divisions les quatre veilles de la nuit, celles qu’observaient les marins sur leurs navires ou les guetteurs des camps militaires et des cités fortifiés.
Priez sans cesse, c’est ce qui a inspiré ma traduction du début de la “petite litanie”, qui revient au cours des offices et de la Liturgie.
C’était en 1960, alors qu’on se préparait au concile oecuménique annoncé par Jean XXIII dont on espérait qu’il serait important pour l’Unité entre les Églises. Dom Lambert Beauduin avait demandé que l’on fît des prières spéciales. Une fois par semaine, entre le repas de midi et la récréation, la communauté se rendait en procession jusqu’à l’église byzantine du monastère en chantant les stichères de la Litie de l’Exaltation de la Croix. Une fois que nous étions arrivés dans la crypte, le prêtre hebdomadier disait une litanie instante qui, pour la circonstance, avait été composée en français. Elle commençait par : “Encore et encore”. Alors que nous étions habitués à entendre : “Paki i paki”, ou : “Eti kai éti”, cet “encore et encore” sembla drôle à plus d’un, en particulier à dom Clément Lialine, le seul russe de notre communauté, qui alliait le bon sens à l’esprit théologique. Je n’oublierai jamais son geste : du dos de la main il effleura, de haut en bas, sa joue rasée comme pour dire : “Quelle barbe !” Plus tard, quand j’ai commencé à traduire du grec et du slavon en français, je me suis souvenu de dom Clément et j’ai traduit par : “Encore et sans cesse”, comme un rappel de saint Paul, qui nous permet de transfigurer ce qui serait, sinon, une ennuyeuse répétition.
Après avoir demandé de “prier sans cesse”, saint Paul ajoute : “en toute choses rendez grâces, réjouissez-vous en tout temps.”
Ainsi, en nous souvenant de la recommandation du saint Apôtre aux Thessaloniciens, ce n’est plus avec lassitude, mais avec joie que nous aurons à coeur de prier “sans cesse”.
Nîmes, Pentecôte 2007.
Père Denis GUILLAUME (+2008)