La basilique saint Gény est la seule orthodoxe dans le Gers. Sous l’égide du Patriarcat serbe à Belgrade, et qui appartient au diocèse d’Europe occidentale dirigée par l’évêque Luc Kovacevic.
Saint Geny de Lectoure
+ au 4e siècle
Fête le 3 mai
Lectoure est une des villes les plus anciennes de la région du sud-ouest des Gaules. Son importance lui valut de donner son nom à l’un des peuples de la Novempopulanis, les Lactorates, et d’attirer l’attention de Crassus, lieutenant de César, au moment où ce général secondaitson maître dans la conquête de la Gaule. Ce fut lui qui en fit le siège, qui s’en empara, et qui y établit des stations militaires destinées à maintenir l’autorité de la domination romaine dans le pays. D’après les organes les plus autorisés des traditions populaires, elle fut évangélisée, dès le premier siècle du christianisme, par les apôtres à qui le Saint Siège confia dès lors la mission de conquérir la Gaule à la vraie foi. Un de ces premiers pacifiques conquérants fut Saint Clair qui vint de l’Asie à Rome avec six compagnons, et qui, dirigé par le Souverain Pontife vers la Novempopulanie, trouva dans un glorieux martyre, subi à Lectoure, le couronnement de son apostolat. Quatre siècles plus tard, un jeune diacre agenais, Saint Maurin, venait entreprendre à Lectoure une campagne héroïque contre l’arianisme des Wisigoths qui infestait cette cité de ses erreurs funestes; il y trouva lui aussi la récompense de son héroïsme dans le martyre. C’est dans l’intervalle de ces deux dates, dans les dernières années du IIIe siècle, sous le règne de l’empereur Dioclétien (296-305), que se placent saint Geny et la série des documents qui le signalèrent à la vénération des peuples, et dont la tradition et la Vie antique, dont nous avons parlé plus haut, ont porté l’écho jusqu’à nous. Pour raconter son histoire, nous croyons ne pouvoir mieux faire que de suivre pas à pas le manuscrit que l’antiquité nous a livré à son sujet, et même de reproduire dans quelque mesure le texte caractéristique qui nous donne le récit de sa vie. Nous remarquerons, dès la première ligne, le ton plein de gravité et d’esprit surnaturel que l’historien donne à son récit. « Je vous prie, vous tous qui entendrez ou lirez cette histoire, de fermer votre cœur à toute tentation de reproche contre moi, qui me propose de raconter la vie du bienheureux Geny, en écrivant ses actes tels que nous les avons vus de nos yeux et les avons entendus de nos oreilles, avec la persuasion que nous avons acquis ainsi quelque droit à une récompense céleste, et que vous-même pouvez prétendre à un degré de gloire encore plus élevé, en donnant votre foi aux merveilles que le Seigneur accomplit dans ses saints, et particulièrement à celles que je vais exposer dans cet écrit. Geny fut, dès avant sa naissance, un enfant prédestiné; car, avant même qu’il vint au monde, un saint prêtre de Lectoure, nommé Celse, fut inspiré et sollicité par trois fois, durant son sommeil, de révéler à sa mère, la bienheureuse Claire, qu’elle mettrait au monde un entant du sexe masculin, et que cet enfant s’élèverait à un haut degré de sainteté et ouvrirait à un grand nombre de fidèles les portes du ciel. Ses parents occupaient un rang distingué parmi les familles nobles de Lectoure; et, conformément à leur situation sociale et aux coutumes de ce temps, ils se firent un devoir de lui faire donner une instruction profane telle que la demandait le brillant avenir qui semblait lui être destiné. Mais, chrétiens convaincus et courageux, ils eurent surtout à cœur de lui donner une instruction religieuse solide, pour fortifier son âme contre les pièges et les assauts dont le paganisme, encore vivant dans les provinces de la Gaule, ne manquerait pas de la menacer. Cette forte éducation familiale eut pour effet de, faire de lui, dès son bas âge, un modèle de moeurs pures et de piété. Sa préoccupation constante fut de cacher en lui les dons de Dieu sous le couvert des dehors les plus modestes, sans qu’il pût réussir cependant à en voiler complètement l’éclat.
Saint Geny, ermite à Sainte-Croix
A l’âge où les passions grondent violemment dans l’âme humaine, il se montra fidèle aux lois de la chasteté, au point de dédaigner toute jouissance mondaine et de paraître aux yeux de tous mener une vie angélique. Une charité parfaite florissait dans l’intime de son cœur. Ses parents lui ayant laissé une belle fortune, il n’usa denses revenus que pour les verser dans le sein,des pauvres. L’unique ambition qui se manifesta en lui fut de parvenir à la sainteté par la pénitence et la prière. Les sentiments intimes de foi, d’espérance et de charité, qui remplissaient son âme, aimaient à se traduire par la pratique des veilles et par le chant des psaumes et des cantiques spirituels; de sorte qu’un jour vint où ses prières eurent une telle puissance sur le Cœur de Dieu, qu’il fut jugé digne d’entendre de célestes concerts. Cependant les plaisirs du monde lui inspiraient un si profond dégoût, et les influences du paganisme une si grande crainte, qu’il jugea bon, dès sa jeunesse, de chercher un refuge dans la solitude. C’est pourquoi il établit sa résidence dans un lieu solitaire, parmi les propriétés foncières que ses parents lui avaient léguées, entre le faubourg de la ville et le coteau qui porta plus tard le nom de Sainte Croix. Il y construisit une chapelle où il passait la plus grande partie de ses jours et de ses nuits à prier, et une habitation modeste où il recevait les visiteurs venaient en foule se recommander à ses prières et recevoir ses conseils. Dans le profond sentiment d’humilité qui l’animait, il se se jugea toute sa vie indigne du sacerdoce, et se détermina à marcher sur la trace des saints qui s’étaient interdit d’aspirer a cet honneur. Il demeura volontairement dans l’état laïque, par humilité, ne retenant du sacerdoce qu’un dévouement sans bornes au service de l’Église et à l’oeuvre de la conquête des âmes. Telle fut l’existence que saint Geny mena, enveloppé d’ombre et de silence, pendant sa vie tout entière; vie cachée aux regards des hommes, mais brillant d’un puissant éclat aux regards de Dieu; vie de pénitence et de prière que les hommes sont tentés parfois de dédaigner, mais qui servira à jamais de modèle à ceux qui fondent sur l’aide de Dieu, et non sur leurs efforts personnels, la fécondité de leur apostolat.
La dernière persécution contre tes chrétiens (303-313)
Lorsque la vie de saint Geny penchait vers son déclin, Dieu permit qu’une tempête, plus violente que toutes celles qui s’étaient succédé depuis trois siècles, vînt s abattre sur son église. Dioclétien était monté, en 284, sur le trône des Césars, succédant à Numérien qui lui-même n’avait régné que quelques mois après Carus, qu’il avait fait assassiner. L’empire romain, las d’être gouverné par des chefs qui semblaient lutter entre eux de sauvagerie et d’imbécillité, aspirait à un régime d’ordre et de paix capable de réparer les ruines morales accumulées dans son sein. Il sembla tout d’abord que Dioclétien comprit son devoir de pacificateur, et eut assez de sagesse pour l’accomplir car il laissa l’Église jouir d’une liberté relative durant la plus grande partie de son règne. Mais, après avoir fait une première faute en associant Maximien Hercule à son autorité, et en lui confiant l’administration de toute la partie occidentale de son empire, il en commit une plus grave encore en s’adjoignant, en 292, deux autres collègues. Galère, qui devait prendre un jour le gouvernement de l’Italie et de l’Orient, et Constance Chlore, à qui était réservée l’administration de la Gaule, de l’Espagne et de la Grande-Bretagne. De ces trois associés, un seul, Constance Chlore, était favorable aux chrétiens, et, grâce à l’heureuse influence de son épouse, sainte Hélène, se montrait digne d’être le père de celui qui devait donner l’indépendance à l’Église catholique, Constantin le Grand. Maximien Hercule et Galère étaient an contraire des princes à demi barbares qui semblaient mettre leur jouissance suprême à tourmenter les chrétiens. Après dix-huit ans d’une administration modèrée, sinon entièrement équitable, Dioclétien, sous l’impulsion de Galère, déshonora les dernières années de son règne par un acte qui imprime à son nom la flétrissure la plus sanglante, en édictant contre l’Église un décret de persécution qui s’étendit à tout l’empire, et ouvrit une ère de barbarie qui dépassa en violence toutes celles des siècles écoulés.
Le paganisme à Lectoure: autels tauroboliques
Aucun document historique ne nous apprend quels furent les effets de cette persécution dans la ville de Lectoure; mais on ne saurait douter que l’écho n’en fût venu jusqu’à elle, et n’y eût été favorablement accueillie quand on observe que la religion officielle de l’empire, c’est-à-dire la religion païenne, y était florissante dans le cours du IIe et du IIIe siècles. Nous en avons pour témoins irrécusables des autels tauroboliques conservés dans le musée de cette ville. Le taurobole était le sacrifice d’un taureau, presque toujours suivi du sacrifice d’un bélier offert à la Grande Déesse ou à la grande Mère des Dieux, Cybèle, pour la purification de ceux qui offraient ces victimes, et pour l’expiation des crimes de ceux pour qui ils étaient offerts. La théologie païenne à cette époque attachait en effet à ces sacrifices un double caractère, le caractère impétratoire et le caractère propitiatoire. Le taurobolié entrait à moitié nu, le front ceint d’une couronne dorée, dans une fosse profonde surmontée d’une grille, on d’un plancher percé de trous. Au-dessus de ce plancher se dressait un autel en pierre, ou en marbre, sur lequel la victime devait être immolée. Paré de guirlandes de fleurs et paralysé dans ses mouvements par de fortes attaches, le taureau était conduit près de l’autel, et frappé d’un couteau sacré que le victimaire plongeait assez profondément dans ses flancs pour que le sang s’écoulât à flots pressés. Le sang, qui jaillissait de la blessure, se répandait sur le plancher et, de là, dans la fosse où le taurobolié le recevait dévotement et s’en imprégnait le visage et tout le corps. Après la mort du taureau, c’était un homme nouveau qui sortait de la fosse, sordide, les vêtements et le corps ensanglantés. et se présentait devant la foule qui saluait en lui avec enthousiasme un être purifié. C’était un baptême de sang, institué dans la religion païenne à l’imitation du baptême chrétien. Ces cérémonies tauroboliques étaient y célébrées avec une pompe extraordinaire. Elles étaient précédées d’une procession solennelle à laquelle prenaient part les parents et les amis du taurobolié, la foule des adorateurs de Cybèle, et un grand nombre de musiciens. Une place d’honneur était réservée aux magistrats de cité et aux fonctionnaires qui représentaient l’État; d’autant plus que, dans ces cérémonies, les victimes étaient presque toujours immolées pour la conservation de l’empereur et de la famille impériale, comme en témoignent la plupart des autels tauroboliques conservés à Lectoure. Venait enfin le prêtre qui présidait le sacrifice, et qui récitait à haute voix les prières rituelles spéciales à la cérémonie. Une partie du sang et les entrailles du taureau étaient remises, bomme un dépôt sacré, à celui qui avait fait l’offrande de la victime. Ses chairs étaient abandonnées an prêtre sacrificateur et à ses proches, qui en faisaient de joyeux festins pendant quelques jours. Enfin, pour perpétuer le souvenir d’un événement si marquant dans la vie d’un dévot païen, un habile sculpteur était chargé d’exécuter un monument artistique qui mentionnait en belles lettres romaines les noms du donateur, des bénéficiaires du sacrifice, des consuls sous l’administration desquels la cérémonie avait été exécutée, et enfin du prêtre ou des prêtres qui l’avaient présidée. D’après les études qui ont été faites par d’érudits spécialistes, Lectoure est probablement une des villes du monde romain où ces sacrifices ont été accomplis en plus grand nombre, et avec le plis de pompe, dans le cours du IIe et du IIIe siècles de l’ère chrétienne, sons le règne de Marc-Aurèle (161-180) et de Gordien le Pieux (238-244). Les autels tauroboliques de Lectoure. sont tous d’un style architectural remarquable, et plusieurs d’entre eux portent. le nom de cette ville dans lea formes suivantes: Lactorates; Respublica Lactoratium; Civitas Lactoratium; Ordo Lactoratium; Prima Lactorae fecit. On peut dire, sans crainte d’erreur, qu’il est peu de villes dans la Gascogne, et même dans la plupart des provinces du monde romain, qui puissent montrer des témoignages d’origine antique et des titres de noblesse historique comparables à ceux de Lectoure. L’époque où vécut saint Geny n’étant séparée que par quelques années de celle où le paganisme affirmait sa vitalité à Lectoure, par des cérémonies si impressionnantes, il est vraisemblable que la religion païenne comptait encore de nombreux et puissants adhérents dans les murs de cette ville pendant le cours de sa vie, et que ses yeux furent affligés plus d’une fois par le spectacle de ces démonstrations odieuses. Le christianisme, qu’il avait appris à aimer au sein de sa famille, fut-il pour ses concitoyens un motif de molester ses parents, et de le persécuter lui-même, surtout quand l’édit de persécution eut été proclamé par les ordres de Dioclétien? L’histoire garde un silence absolu à cet égard. Peut-être les suspicions, les mauvais procédés, les mesures persécutrices des Lectourois contre lui furent-ils pour beaucoup dans la détermination qu’il prit, jeune encore, de vivre hors des murs de sa ville natale, et de concentrer sa vie dans la propriété solitaire que lui avait léguée sa famille. Mais nous sommes réduits sur ce point à de simples conjectures. Nous savons seulement que, loin de chercher un repos égoïste et lâche dans sa solitude du coteau de Sainte-Croix, il en fit pour lui-même un lieu de pénitence et de prière, et pour ses concitoyens un refuge tranquille, où il lui était permis de les accueillir avec une plus grande sécante que dans le milieu païen de la cité, pour les instruire des vérités de la foi, ou les maintenir dans la pratique des devoirs qu’elle impose, et sauvegarder ainsi l’étincelle de christianisme que ta divine providence y conservait encore, et qui devait jeter des lueurs magnifiques dans un avenir meilleur.
Les proconsuls d’Auch décrètent l’arrestation de saint Geny
Mais, si Geny n’eut pas trop à souffrir de l’intolérance de ses concitoyens, ce qui du moins est appuyé sur les données les plus certaines de son histoire, c’est que de violentes tentatives de persécution lui vinrent un jour de la ville qui dominait alors, par son importance, toute la Novempopulanie. Cette ville était Auch, où les représentants de l’autorité impériale avaient établi leur quartier général, comme dans toutes les villes importantes des provinces romaines. Il était parvenu à un âge avancé et à un degré de sainteté éminente, lorsque des proconsuls furent envoyés de Rome dans la Gaule pour rechercher les chrétiens qui s’y trouvaient, afin de les faire comparaître devant eux, et de les mettre à mort s’ils refusaient de sacrifier aux dieux de l’empire. Deux de ces proconsuls, Maxime et Jovinien, qui résidaient à Auch, ayant appris que le bienheureux Geny convertissait de nombreux idolâtres et leur conférait le baptême, envoyèrent à Lectoure une troupe d’environ trente soldats avec mission de se saisir de lui et de l’emmener à leur tribunal. Geny, ayant appris qu’ils approchaient de la ville, plein de confiance en l’assistance que Dieu lui avait promise, se rendit à la montagne où il avait coutume de prier, et, se prosternant à deux genoux, il adressa à Dieu cette prière: « Seigneur, mon Dieu, mon maître, mon espoir et mon consolateur, vous qui m’avez appris à prier, me voici prosterné devant vous pour implorer votre secours. C’est vous qui êtes mon inséparable appui; vous qui soutenez ma vie depuis ma première enfance; vous qui m’avez préserve jusqu’à ce jour de tout souillure vous enfin qui m’avez arraché à la misère de ce monde et m’avez fait entrer en participation des richesses que vous destinez à vos enfants. C’est pourquoi, Jésus-Christ, mon Sauveur, je vous prie de m’accorder votre consolante assistance, afin que les persécuteurs, qui espèrent m’ôter la vie, comme on avale un verre d’eau, ne puissent pas me nuire. Mon âme ne peut vous louer des témoignages de bonté que vous m’avez donnés jusqu’à en jour, qu’à la condition que vous me préserviez de toute attache aux biens d’ici-bas, et que vous délivriez mon âme des mains de mes ennemis. J’observerai vos préceptes, et je demeurerai fidèle jusqu’au bout à la mission que vous m’avez confiée, pourvu que ma prière ne demeure pas inefficace, et que le démon n’arrache pas de mon âme la semence que vous y avez jetée, comme dans une bonne terre où les épines et l’ivraie ne parviennent pas à germer ». A peine eut-il fini cette prière que le sol qu’il foulait aux pieds trembla soudain; et une voix venue du ciel fit entendre ces paroles: « Courage, courage, serviteur bon et fidèle, parce que tu as été fidèle en de petites choses, je t’établirai sur de grandes Qu’une force virile inspire ton cœur et anime tes actes; car tu entreras en possession du bonheur avec ceux qui ont vécu dans la chasteté. Un grand nombre d’entre eux deviendront des vases d’élection par ton entremise et me seront consacrés Une joie profonde inonda son cœur quand il entendit ces paroles; et, plein de l’Esprit-Saint, il se leva, arma son front du signe de la foi, et se sentit assez fort pour soutenir sans défaillance tous les assauts. Cependant les soldats envoyés par les proconsuls l’aperçurent de loin, se dirigeant vers eux; mais, tout à coup, chose presque incroyable, le fleuve qui coule au fond de la vallée déborda avec une telle violence qu’il devint impossible de le traverser. A cette vue, comprenant que ce soulèvement des eaux ne pouvait être que l’effet d’une intervention divine, ils furent saisis d’une frayeur mortelle, et, se prosternant la face contre terre, ils s’écrièrent: « Oh quel prodige s’offre à nos yeux Il est vraiment grand le Dieu des chrétiens Si leur Dieu était semblable aux nôtres, c’est-à-dire aux idoles de bois ou de pierre fabriquées de main d’homme que nous honorons, jamais il n’aurait pu accomplir ce prodige. Renonçons à ces idoles, et adorons le Dieu vivant qui a créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment. Il est vraiment grand le Dieu des chrétiens qui protège ainsi ceux qui espèrent en lui et qui, loin d’abandonner ses serviteurs, leur donne son appui dans les épreuves qu’ils ont à subir ».
Saint Geny baptise les soldats qui venaient l’arrêter
Ils passèrent ainsi deux jours dans l’attente. Le troisième jour venu, ils purent traverser le fleuve qui était rentré dans ses berges. Pleins de joie et enflammés d’ardeur par le souffle du Saint-Esprit, ils rejoignirent le bienheureux Geny, se prosternèrent à ses pieds, et, baisant humblement la terre, ils appelèrent les bénédictions de Dieu sur lui en ces termes: « Que Dieu vous bénisse Père; et vous- même, donnez-nous votre bénédiction, ô Père, qui nous faites connaître le vrai Dieu Sachez qu’un gouverneur impie nous a envoyés ici pour nous emparer de vous; mais nous savons aujourd’hui, par une grâce du ciel, que votre Dieu est grand. Nous vous prions en conséquence, bon Maître, d’avoir pitié de nous, et de nous rendre dignes de marcher sur vos traces ». Aussitôt le bienheureux Geny, fléchissant les genoux et levant les yeux au ciel, dit à son tour: « Seigneur Jésus-Christ, je vous rends grâces de ce que vous avez fait éclater aux yeux de vos serviteurs des prodiges qui les ont conquis à votre Loi. Faites d’eux. Seigneur, des vases, purs en qui votre Esprit-Saint établisse sa demeure Accordez-leur la grâce qu’ils sollicitent en votre nom, et faites qu’ils puissent la recevoir au plus tôt ». Après quoi, il ajouta les exhortations suivantes: « Croyez au Dieu vivant que je vous prêche Croyez en Jésus Christ; que je vous annonce Croyez au Sauveur qui est l’appui de ses serviteurs Croyez au Rédempteur qui donne à ses ouvriers la récompense qu’ils méritent Croyez enfin au témoignage de celui qui le représente en ce moment auprès de vous. C’est lui qui est la fleur et le fruit de mon âme, quand je le reçois dans mon cœur. La merveilleuse beauté, qui éclate en lui, nous presse de parler de lui constamment, quoique aucun homme ne soit capable ni de le comprendre, ni de le faire connaître. Tel est le devoir que je remplis à cette heure auprès de vous; qu’il daigne éclairer les ténèbres de mon esprit, soutenu les faiblesses de ma volonté, suppléer aux indigences de mon âme, et demeurer en moi jusqu’à ce que j’aille à lui, et que j’entre en possession du bonheur qu’il réserve à ses élus. Après qu’il eut prié, qu’il se fut assuré qu’ils étaient résolus de se ranger tons la bannière du Christ, et qu’il les eut suffisamment instruits des vérités de la foi, il les conduisit en ville, dans la maison du vénérable prêtre Celse. Prosternés aux pieds du saint vieillard, ils lui demandèrent la grâce du baptême. Celse, comblé de joie, les baptisa au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, les garda près de lui pendant dix jours afin de les fortifier dans leur résolution, et les congédia enfin en leur recommandant de demeurer fidèles à Jésus-Christ jusqu’à la mort.
Les convertis de saint Geny, martyrisés à Auch: croix des innocents
Quand ils revinrent auprès du gouverneur d’Auch, ils trouvèrent cet homme plus aveuglé que jamais par les préjugés du paganisme. Espérant recevoir d’eux la nouvelle qu’il désirait, il leur dit Pourquoi vous êtes-vous tant attardés? Est-ce que vous auriez reçu de l’argent? ou bien avez-vous été victimes de quelque maléfice? Ils lui répondirent: « Nous avons reçu un bien plus précieux que l’or et l’argent, la grâce du Christ, et nous savons que. ceux qui persévèrent dans le culte que vous avez rendu vous-même aux idoles jusqu’à ce jour seront punis de la damnation éternelle ». « Eh quoi, s’écria le gouverneur outré d’indignation, nos princes, qui rendent l’empire si florissant, seraient condamnés à la damnation? » Un des plus jeunes lui répondit: « Bien loin d’éclairer le monde, ils ne font que le plonger dans les ténèbres ». Le gouverneur, branlant la tête, leur dit alors: « Je vous plains, mes enfants ». Mais eux reprirent aussitôt: « Ce n’est pas nous qu’il faut plaindre, mais vous, si vous ne croyez pas en Jésus-Christ Enflammé de colère le gouverneur cria d’une voix forte: « Ou vous sacrifierez aux dieux immortels, selon l’ordre de nos princes, ou vous serez punis du dernier supplice ». Tous alors d’un commun accord s’écrièrent: « Autant le serpent demeure insensible aux charmes de la poésie, autant nous demeurerons inébranlables en face de vos menaces. Nous vous défions d’arracher de notre cœur l’amour de Jésus-Christ ». Une heure ne s’était pas écoulée que le tyran avait donné l’ordre de leur trancher la tête, en dehors des portes de la cité. Chacun d’eux tendit sa tête au bourreau avec une force invincible, heureux de conquérir par une carrière de vie chrétienne et rapide une couronne immortelle, heureux aussi sans doute d’aller rendre témoignage au ciel de la sainteté de Geny, et d’annoncer la prochaine venue du bienheureux confesseur dans les rangs des élus. De pieux chrétiens, témoins attristés de cet affreux carnage, achetèrent le corps des héroïques martyrs à leurs bourreaux, et leur donnèrent la sépulture chrétienne. Une croix fut plantée sur le champ où se consomma leur martyre, pour en transmettre le souvenir aux générations futures, et le lieu où elle fut dressée reçut dès lors le nom de Croix des Innocents, qu’il a gardé jusqu’à nos jours. En ce même jour, Geny, miraculeusement informé de leur martyre, célébra par une cérémonie solennelle le glorieux triomphe qui leur ouvrait la porte du ciel.
Mort paisible de saint Geny
Après cela, le gouverneur envoya à Lectoure une seconde troupe de soldats chargés de soumettre Geny à divers tourments et de lui donner la mort. Mais lui, éclairé d’une lumière céleste; et pressentant ce qui pouvait arriver, se rendit de nouveau au pied de la colline où il avait coutume de prier, et, prosterné à deux genoux, il adressa au Seigneur cette prière: « Seigneur, que tous ceux qui se sont donnés à vous se réjouissent. Faites-moi la grâce que j’aie bientôt la joie de vous contempler et de vous posséder, puisque je n’aspire qu’à exécuter fidèlement votre volonté et à observer vos préceptes. Jetez un regard sur votre serviteur qui vous révère, afin que la sollicitude, dont il a été l’objet de votre part jusqu’à ce jour, ne demeure pas inefficace. Faites-moi de plus la grâce de voir devant le trône de votre majesté ceux que j’ai dirigés dans la voie du martyre pour la gloire de votre nom; et donnez-leur la récompense qu’ils méritent. Je vous prie enfin, Seigneur, de jeter un dernier regard, dans votre miséricorde, sur votre enfant, et de recevoir son âme en paix ». Après qu’il eut fait cette prière, les yeux fixés au ciel, et le front armé du signe de la foi, il vit des couronnes étincelantes de pierreries qui étaient préparées peur lui et pour ses compagnons, ainsi que la foule des élus qui chantaient autour d’elles et faisaient entendre ces paroles: « Qu’ils soient comptés au nombre des justes, et inscrits dans le livre de vie, ceux qui ont vaincu l’antique serpent et qui ont passé leur vie dans la phalange des vierges ». Pendant que ces paroles retentissaient dans les airs, prosterné à deux genoux, il rendit le dernier soupir. Son trépas survint le 5 des nones de mai (3 mai). Ainsi mourut saint Geny, sans autres témoins de sa mort que Dieu et les anges du ciel, mais dans des circonstances providentielles que révélèrent a ses concitoyens l’attitude extatique de son corps, le sourire séraphique qu’on vit resplendir sur son visage, et plus encore les miracles qui éclatèrent auprès de ses restes vénérés immédiatement après sa mort. L’expérience des siècles nous apprend qu’en règle générale la mort est l’écho de la vie; jamais cet adage ne se réalisa plus manifestement qu’en Geny. Sa mort, comme sa vie, porta le cachet de la solitude et du silence. Sa vie n’avait connu aucune de ces situations variées où se montrent les divers aspects de la vertu, ni aucun de ces incidents extraordinaires qui !a mettent dans une éclatante lumière. Il ne joua, ni dans la société civile, ni dans l’Église, un de ces rôles publics et providentiels qui excitent l’admiration des hommes, et donnent aux saints une taille de héros. L’éclat de sa vertu resta renfermé tout entier dans l’intime de son âme. Mais ni l’éclat dos situations ni les applaudissements de la foule ne constituent la vertu et n’ajoutent à son mérite réel. Saint Geny consacra toutes les ardeurs de son âme au service de Dieu et de l’Église; c’en fut assez pour qu’il prit rang parmi les enfants de Dieu les plus aimés, et que la grâce divine fit de lui un modèle achevé de vie chrétienne et un puissant protecteur de ceux qui implorent son secours.
Sépulture de saint Geny, culte, miracles
Son corps fut inhumé sur le coteau où il résidait, au milieu d’un grand concours de peuple et des témoignages d’une vénération universelle. Il y avait, au bas de cette montagne, une basilique qu’il avait fait construire lui-même, et où il avait déposé le corps de sa vénérable mère. L’Evêque de Lectoure, Ëteutère (Heuterius ou Eteuterius), fit creuser un tombeau à sa mesure, et c’est la qu’il ensevelit religieusement son corps, en compagnie de ses prêtres et des antres ministres des autels. Quant aux soldats qui formaient la seconde escorte envoyée par le gouverneur romain, ils n’arrivèrent a Lectoure qu’après la sépulture de Saint Geny, et ils durent se retirer confus de n’avoir pas été jugés dignes de le voir. Le jour même où eut lieu la cérémonie de sépulture, Dieu daigna faire éclater la sainteté de Geny par ce que l’on a si bien appelé la signature divine, c’est-à-dire le miracle. Le corps du vénérable confesseur exhalait une odeur tellement suave qu’on n’en avait jamais senti, et qu’on n’en sentira peut-être jamais de pareille dans l’avenir. Deux aveugles, affligés de cette infirmité depuis dix ans, recouvrèrent la vue près de son tombeau, et un grand nombre de malades furent guéris. Peu de temps après, au cours d’une famine qui désolait le pays des Gaules, quelques veuves indigentes, sortant de la ville et cherchant à cueillir quelques herbes, se réfugièrent dans la basilique construite par le saint, Pendant la nuit qu’elles y passèrent, une suave odeur de lys et de rosés remplit la basilique, et une grande lumière l’éclaira tout entière; et, quand le jour fut venu, elles trouvèrent, près du tombeau du saint, deux pains d’une merveilleuse grosseur, qu’elles prirent et emportèrent joyeusement dans leur maison. Comment dire la bonté et la largesse avec lesquelles il soulagea la misère des pauvres dans le cours de sa vie? Il n’y eut pas jusqu’aux oiseaux du ciel qui n’eussent part à ses libéralités, se plaisant à venir prendre leur pâture dans ses main et reprenait leur vol quand ils l’avaient reçue Disons enfin que les habitants de la contrée de Lectoure doivent honorer avec une joie particulière son patronage, parce que sa puissance se manifeste avec éclat en faveur de tous ceux qui lui témoignent leur confiance, et qu’il jouit auprès de Dieu d’un tel crédit que, depuis l’époque où il vécut jusqu’à nos jours, le Seigneur comble ce pays de ses bienfaits. Que tout honneur et toute gloire lui soient rendus dans les siècles des siècles Amen ». Nous savons par les traditions locales que la mémoire de saint Geny fut religieusement conservée après sa mort par les familles chrétiennes de Lectoure, surtout après que la ville eut embrassé tout entière la foi catholique à la suite du célèbre édit de Constantin qui accordait la liberté du culte dans tout l’empire (313). Les fidèles, confiants en la puissance du vénérable confesseur, aimaient à se rendre dans la chapelle qu’il avait fait construire au pied du coteau de Sainte-Croix pour lui rendre leurs hommages et lui adresser leurs prières. Peu à peu, par suite d’une chaîne ininterrompue d’hommages rendus à sa mémoire un culte régulier s’établit en son honneur, et se développa sous la garde des Evêques et du clergé de Lectoure, comme cela se pratiquait généralement dans l’Église entière, à cette époque, à l’égard des personnages qui mouraient en odeur de sainteté. C’était une sorte de canonisation populaire que consacrait l’autorité de l’Evêque du diocèse, et qui a précédé la canonisation solennelle établie au XIe siècle par les Souverains Pontifes.
L’abbaye bénédictine de Saint Geny du Xe au XVIe siècle
Mais nous ne possédons aucun document écrit qui nous initie aux détails du culte rendu à saint Geny, jusqu’au moment où sa mémoire fut mise en lumière, au Xe siècle, par une institution religieuse qui devait populariser le nom du Bienheureux. C’était l’époque où le puissant duc de Gascogne, Guillaume Sanche, fondait ce que l’on a appelé l’Evéché de Gascogne, en confiant d’un seul coup à son frère, Gombautt, l’administration des six Evéchés de Bazas, Aire, Bayonne, Dax, Oloron et Lescar, alors vacants, et dont il disposait comme s’il en était le propriétaire. Cet immense évêché devait durer quatre-vingt-deux ans, de 977 à 1059, c’est-à-dire jusqu’au moment où le dernier titulaire, Raymond le Vieux, fut déposé de sa charge par le Pape Étienne IX. En même temps, Guillaume Sanche fondait de nombreux monastères dans ses Etats, et préparait ainsi d’une manière très efficace, de concert, avec la pieuse Urraque, son épouse, le relèvement la plupart des villes de Gascogne, à demi ruinées par les dissensions intestines et les assauts désastreux qu’elles avaient subis de la part des Normands. Parmi les monastères que Guillaume Sanehe fonda à cette époque, un de ceux qui occupent le premier rang est l’abbaye de qu’il éleva sous tes murs de Lectoure, chef-lieu de son vicomté de Lomagne, et qu’il plaça sous la dépendance de son abbaye de Saint-Sever-Cap-de-Gascogne (Landes). Dans la charte de fondation de ce célèbre monastère de Saint-Sever, dont il fit le Saint-Denys de sa famille en y établissant sa sépulture, Guillaume Sanche nous apprend qu’il agit en exécution d’un voeu adressé an glorieux martyr saint Sever, qu’il avait aperçu combattant à ses côtés sur le champ de bataille où il avait terrassé les Normands, et mis fin à leurs excursions dévastatrices. L’Abbaye de Saint-Geny dut-elle sou établissement à un miracle de ce genre? Aucun document ne nous le dit. Peut-être, comme ses aînées, l’abbaye de Saint-Orens d’Auch (955), et celle de Saint-Luper d’Éauze (960), fondées par le comte de Fezensac, Bernard-Odon, neveu du duc Guillaume Sanche, l’abbaye de Saint-Geny ne témoigne-t-elle que de la piété de son fondateur. Elle reçut un essaim de moines de Saint-Sever, et fut placée sous la dépendance de l’abbé de ce monastère. La fondation de l’abbaye de Saint-Sever remontant environ à l’an 993, quatre ans avant la mort du duc Guillaume Sanche, il suit de là que la fondation de celle de Saint-Geny a dû avoir lieu en 994 ou en 995. L’évêque de Lectoure à cette époque se nommait Bernard. Les actes du concile tenu à Toulouse, en 1068, nous apprennent que ce couvent de Saint-Geny n’était pas habité en ce moment, parce que la maison menaçait ruine, et que les religieux s’étaient retirés dans un autre monastère bénédictin situé en pleine ville de Lectoure, dans lequel l’évêque du lieu avait sa résidence. Un conflit était survenu entre cet évêque, Raymond Ebbons (1061-1097) et les moines qui refusaient de se soumettre à l’autorité épiscopale. Le cas fut soumis au concile de Toulouse présidé par Hugues-le-Blanc, légat du pape Alexandre II (1061-1073). Parmi les évoques présents se trouvait l’archevêque d’Auch, saint Austinde. L’abbé de Saint-Sever, Grégoire, qui était en même temps évêque de Lescar 1061-1072), soutint, en sa qualité de supérieur de Saint-Geny, la cause des moines Lectourois. Mais l’évêque de Lectoure obtint gain de cause. Il fut décidé qu’il serait le dans le monastère, « et, dans le cas où les moines n’accepteraient pas cette décision, le concile leur donna l’autorisation de se retirer en quelque autre cloître, et décréta que l’évoque Raymond établirait, aussitôt après leur départ, dans le monastère, une société de prêtres qui formeraient le chapitre de Lectoure. Le prélat, ainsi ouvertement soutenu et approuvé, poursuivit avec activité la réalisation de ses desseins réformateurs. A l’exemple de saint Austinde, il introduisit la règle de Cluny dans son diocèse, soit à Saint-Geny, qu’il releva de ses ruines et peupla de saints religieux, soit à Saint-Clar (Gers), en l’an 1074 ». Nous ignorons l’histoire de ce nouveau prieuré de Saint-Geny; nous savons seulement que, au cours du XIVe ou du XVe siècle, il subsistait encore, et que les religieux d’alors, désireux de manifester avec éclat leur dévotion envers saint Geny, et de donner satisfaction à la piété des fidèles, construisirent l’église qui a remplacé la chapelle primitive du Bienheureux, et qui subsiste encore de nos jours. Il n’en reste aujourd’hui, il est vrai, que la moitié, le sanctuaire et les deux chapelles qui l’accompagnent: mais ces restes de l’oeuvre du Moyen-âge témoignent hautement du goût artistique des constructeurs et de la beauté des parties de l’édifice qui ont disparu. Cette église était vraiment digne du saint à qui elle était dédiée, et constitue à elle seule un témoignage irrécusable de la dévotion des générations passées à Saint-Geny. En 1850, dans un champ situé à une légère distance de cette église, et qui était vraisemblablement une dépendance du cimetière de 1 abbaye bénédictine, on a découvert des tombeaux en pierre qui renfermaient les ossements d’hommes de haute taille, accompagnés d’un casque à la place qu’occupait la tête, et d’une épée au côté. On a pensé que c’étaient des officiers militaires supérieurs qui avaient passés les dernières années de leur vie dans le monastère, ou qui du moins s’y étaient retirés au terme de leur carrière pour se préparer à la mort.
La paroisse de Saint Geny ; l’Oratoire qui subsiste
La communauté monastique, qui possédait l’église de Saint-Geny et y faisait le service religieux, a disparu à une époque que nous ne connaissons pas, mais qui est certainement assez lointaine. Elle fut remplacée par une paroisse qui a traversé la grande Révolution et a subsisté jusqu’à l’année 1842. A la fin du XVIIIe siècle, elle était administrée par un prêtre, nommé Deluc, dont un jeune neveu, qui portait le même nom, prit la succession en 1788. Obligé de l’abandonner pendant la tourmente révolutionnaire, il racheta l’église à l’époque du concordat de 1801, ainsi que les habitations qui faisaient partie de l’ancien couvent, et les terres qui en dépendaient; et il conserva le tout jusqu’a sa mort arrivée en 1843. Une de ses nièces, qu’il avait constituée son héritière, en fit plusieurs lots qui furent vendus rapidement. Restait le lot principal, qui comprenait l’église, le cimetière, une petite maison d’habitation et un jardin. Les habitants du quartier de Saint-Geny eurent un instant l’intention de l’acheter pour assurer le service religieux de cette église, mais n’ayant pu avoir une assurance positive à cet égard, ils renoncèrent à leur projet et le lot demeura au pouvoir de l’héritière de M. Deluc. En 1854, M. l’abbé de Cortade; devenu supérieur du Collège ecclésiastique de Lectoure, acheta la chapelle et les terres qui en dépendaient. Il remplaça la modeste habitation située au nord de la chapelle par une belle et vaste maison; et, quand il quitta ta cure de Masseube, en 1875, il y établit sa résidence et restaura l’église en la décorant d’une jolie façade flanquée de deux élégantes tourelles. Muni d’une gracieuse autorisation de l’archevêque d’Auch, Monseigneur de Langalerie, il y rétablit le culte public, qui y été maintenu jusqu’à sa mort, survenue en 1892. Mais le service religieux a cessé depuis son décès; son héritière n’habite même plus la maison qu’il avait bâtie, et l’antique chapelle, silencieuse et fermée comme un tombeau, attend encore l’acquéreur qui saura apprécier le charme de ses traditions séculaires, et se donner la joie de rendre la vie à ce témoin vénérable de la foi des générations passées. L’oeuvre de prédilection de M. l’abbé de Cortade fut l’aide matérielle et morale qu’il ne cessa de donner aux vocations ecclésiastiques, pendant les années qu’il consacra à la direction du Collège de Lectoure; il eut la joie de voir surgir autour de lui toute une longue série de vocations. Le nombre des anciens élèves du Collège, élevés à l’honneur du sacerdoce, était de trente-six en 1875. Il est permis de croire que le patronage de Saint Geny n’était pas étranger à cette belle floraison sacerdotale, et que le Bienheureux acquittait ainsi sa dette de reconnaissance pour les hommages qui lui furent de nouveau rendus à cette époque dans sa chapelle. M. l’abbé Charles de Cortade, issu d’une des familles les plus honorables du diocèse, était doué des qualités les plus distinguées et les plus aimables de l’esprit et du cœur. Tour à tour vicaire, processeur, supérieur des collèges ecclésiastiques de Lectoure et de Gimont, curé-doyen de Masseube, il se montra partout à la hauteur des situations diverses qui lui furent confiées, et conquit sans effort l’estime et la sympathie de tous ceux qui l’ont connu. Dans l’acquisition qu’il fit de l’antique chapelle et du petit domaine de Saint-Geny, il visait avant tout le rétablisse ment du service religieux dans la chapelle du saint ermite. Les circonstances qui ont précédé sa mort ne lui permirent pas de réaliser ce dessein; mais nous sommes assurés que ce rétablissement, s’il pouvait s’opérer dans quelque mesure, réaliserait un de ses voeux les plus chers; et nous croyons pouvoir ajouter que c’est un voeu auquel s’associent ardemment tous ceux qui s’intéressent à la conservation des traditions chrétiennes du diocèse et des monuments religieux qui les représentent.
L’apostolat spécial du saint ermite Geny
Saint Geny nous apparaît, dans le lointain des, âges, comme un parfait modèle des âmes qui ont voué leur vie à l’apostolat de la prière apostolat modèle entre tous sans doute, mais plus nécessaire, plus aisé et plus efficace qu’aucun autre; apostolat qui peut s’exercer à toute heure, qui ne demande d’autre apprêt qu’un amour sincère des âmes et de Dieu, et qui est assuré plus que tout autre d’atteindre son but, puisque c’est à lui que Dieu a promis ses faveurs, et que c’est lui que l’Église, répondant à la pensée du divin Maître, a qualifié de ce titre sublime « Omnipotentia supplex », « la toute-puissance à genoux ». On dit que peu de temps avant la bataille de Lépante, où devait se décider la lutte séculaire de l’islamisme et du catholicisme (1571), le sultan Sélim II, apprenant l’intérêt que le pape saint Pie V prenait à la croisade, prononça cette magnifique parole: « Je crains plus les prières de cet homme que les armées réunies de, tous les princes chrétiens ». Sélim avait raison la première puissance de ce monde, c’est la prière, surtout la prière des saints. Elle est supérieure à tout ici-bas, supérieure, peut-on dire, à Dieu lui-même, puisqu’il consent à faire fléchir sa volonté devant elle et à changer ses décisions. (Job., 9, 12.)
Prière
O Dieu, qui nous réjouissez par le retour annuel de la fête de votre confesseur, saint Geny, accordez-nous, dans votre miséricorde, la grâce d’imiter tes vertus de celui dont nous célébrons la naissance Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.
Texte intégralement extrait du livre « Les Saints du Calendrier Diocésain d’Auch », volume 1
Saint Geny aujourd’hui
Actuellement, l’Eglise Saint Geny, qui fut fermée pendant des années, après être passé entre de mains en mains différentes et qui était très abîmée, a été confiée à des moines français, rattachés à l’Eglise Orthodoxe Serbe d’Europe Occidentale, qui l’ont complètement restaurée et y assurent un service spirituel, notamment auprès des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle. La réouverture de l’Eglise et du Monastère se sont déroulés en décembre 2000, en présence de Monseigneur Luka Kovasevic. On peut toujours vénérer dans l’église le sarcophage et le reliquaire du saint ermite et de ses compagnons martyrs.